Saturday, April 21, 2007

Le prisonnier d'Aboukir par Yves Fedida

En hommage à Joseph Cohen Hemsi
Le Prisonnier d’Aboukir
Par Yves Fedida (V3)
Haidar Pacha, Ministre égyptien de la guerre, obéissant, bien malgré lui, aux ordres
du roi Farouk,!avait placé les troupes égyptiennes sur les starting-blocks. Il les
savait mal préparées. Le général Mohamed Neguib, à la tête de ces troupes,
s’apprêtait malgré cela à envahir Israël, alors que David Ben Gourion déclarait le
14/05/1948!«!…réunis aujourd'hui, jour de l'expiration du mandat britannique, en assemblée
solennelle, et en vertu des droits naturels et historiques du peuple juif, ainsi que de la résolution
de l'Assemblée Générale des Nations unies, proclamons la fondation de l'État juif dans le pays
d'Israël, qui portera le nom d'État d'Israël…. Nous tendons la main de l'amitié, de la paix et du bon
voisinage à tous les Etats qui nous entourent et à leurs peuples. Nous les invitons à coopérer avec
la nation juive indépendante pour le bien commun de tous. L' Etat d'Israël est prêt à contribuer au
progrès de l'ensemble du Moyen-Orient.1!»
En entendant ces paroles, les Juifs d’Egypte se réjouirent en tremblant. Mais dans
les 48 heures, une série d’arrestations viendra confirmer leur crainte et étouffer
leur joie. Parce qu’ils étaient sionistes, ou bien soupçonnés d’appartenir à ce
mouvement légalement toléré jusqu’alors, ou bien communistes (pourquoi ceux là,
on se le demande!!), 1000 Juifs (dont 50 femmes) au Caire, 40 Juifs à Port Saïd, et
118 Juifs (dont 26 femmes) à Alexandrie2 se retrouvèrent sommairement
emprisonnés, parce que Juifs. Un millier d’autres Juifs allaient bientôt les
rejoindre au début de juin 1948.
Ils demeurèrent en prison, sans autre forme de procès et souvent dans des
conditions physiques et psychologiques insupportables, pour la plupart jusqu’à l’été
1949!; ils furent libérés à condition de quitter le pays. Les noms des camps
d’internement de «!Huckstep!» et «!El Tor!»
résonnent encore tristement dans la
mémoire des Juifs du Caire. La vie paisible
de ceux d’Alexandrie fut écorchée par ceux
de «!Hadra!», «!Kom El Dick!» et le
«!Mootakal!» d’Aboukir, non loin du lieu de
la fameuse bataille navale. Dans ce dernier
«!Mootakal!», parmi la fine fleur de la
jeunesse alexandrine, le journaliste Joseph
Cohen Hemsi.
Né en Egypte en 1907, Joseph Hemsi
entreprend dès les années 1930 une
carrière de journaliste au «!Journal
d’Alexandrie!»!;! sa spécialité étant la
littérature et la musique. Il y devient
rédacteur en chef!. Il a le privilège
d’interviewer Luigi Pirandello, Prix Nobel
de littérature, lors du séjour de ce dernier
en Egypte.
Sa nationalité italienne lui est retirée pendant la période fasciste. Il épouse Claire
Bassat en 1941 et comme de nombreux Juifs d’Alexandrie, ils quittent la ville
devant l’avance des troupes allemandes en 1942, pour se réfugier temporairement
en Palestine. Ils retournent en Égypte, après la victoire d’El Alamein.
Témoin actif des événements de son époque- l’avant-guerre, la guerre et la
naissance de l’État d’Israël-, il offre ses commentaires dans de nombreux articles,
dont une partie a été recueillie en 1947 dans un livre préfacé par Jean Lugol et
intitulé significativement «!Notre Combat!». Il y constate un antisémitisme ayant
survécu au fléau nazi, tant en Europe que dans les pays arabes!; il s’interroge sur
de nouveaux moyens pour combattre l’hydre. On y trouve un aveu passionné
d’amitié pour l’Égypte, en raison des liens anciens entre Juifs et Arabes. Cette
main restera tendue, pendante dans le vide. Son livre est réquisitionné (il n’en
reste qu’un seul original)!; accusé “d’activités sionistes” en Mai 1948, il est interné
au Camp d’Aboukir pendant dix long mois, dans des conditions d’hygiène sanitaire
très difficiles, pour finalement être expulsé du pays avec sa famille. Après une
période à Paris et en Israël, la famille s’installe en Italie, à Milan3. Il y a vingt ans,
Joseph Hemsi décède.
Pressentant les derniers jours de son internement, le «!prisonnier d’Aboukir!» va
poser une simple question à l’ensemble des autres prisonniers du camp
d’internement!: «!Quelle est la première des choses que nous aimerions faire dès
notre libération!?!» Rapportant fidèlement leurs réponses, ses propres
commentaires et ses éclaircissements sur un cahier
comme nous en avions tous à l’époque, il va dresser,
ce faisant, la liste de ces prisonniers et pour
certains leurs surnoms familiers. Appliquant sa
plume de maître à son cahier d’écolier, il met en
exergue le besoin, pour cette jeunesse frustrée dans
la force de l’âge, de reprendre le simple cours de la
vie, de tourner la page, de fermer la parenthèse de
la folie des hommes, bref d’entreprendre «!Quelque
chose de mythologique!» dira-t-il à Isaac Rawass du
hangar N°5!! La dérision et l’humour, propre aux
Juifs d’Egypte, ne sont jamais loin, même dans ce
contexte difficile. Une ambiance de troufions
attendant la quille s’en dégage!; mais des troufions,
blessés à cause de leur foi et de leurs convictions,
qui pressentent que rien ne sera plus pareil.

1 comment:

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